Créé par lulubie le 24 nov 2010 à 10:09
Voilà notre Hugo, arborant casquette, survêtement, et collier en plaqué or, à la gloire du dollar. Assis dans la posture de celui qui, familier à l’usage du téléphone portable, ne peut se passer de son précieux objet de communication, il nous revient, d’entre les morts, pour nous parler des conditions de vie en prison.
Sa langue a changé ! Ses intentions aussi !
La peine capitale n’étant plus d’usage en France, yo !, il s’agira seulement d’expliquer ce que l’on encourt si l’on commet un délit. On passe du réquisitoire émouvant, sensible et humaniste contre la peine de mort, au discours pragmatique, prétendument dissuasif, qui – incapable de mettre en question une société dont le système de valeurs conduit certains individus à faire fi de la Loi – se prétend pédagogique.
A nous, braves petits soldats de la transmission, de concéder à dissocier ce qui pourtant ne doit pas l’être, ce qui ne peut l’être sans dénaturer la beauté et la portée d’un texte : la forme et le fond.
Que l’intention de l’auteur de cette refonte soit louable, certes, je n’en doute guère.
Mais j’aimerais seulement soumettre mon questionnement : ne faut-il pas fournir quelques efforts pour accéder au monde des idées ? Le chemin à parcourir pour structurer la pensée n’est-il pas naturellement long et périlleux ? Et l’accession au domaine de l’esprit ne suppose-t-elle pas une connaissance de plus en plus maîtrisée de ce formidable outil qu’est la langue ?
Si la pleine maîtrise des concepts et de la raison est jugée indépendante de la maîtrise linguistique, alors soit… je m’incline.
Je m’incline devant la casquette, le survêtement vert, et le collier à la gloire du dollar !
Sinon je revendique pour tous le droit à l’effort et aux textes dits difficiles.
2 réponses to “”
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Bon, je ne vais pas dire que je suis horrifiée, j’aurais l’air d’un dinosaure…
J’aimerais tout de même savoir ce qui permet d’associer Victor Hugo au symbole du dollar…
Mais c’est un détail…
J’ose affirmer que ce roman est pour moi le meilleur de Victor Hugo, et je l’ai fait plusieurs fois étudier à mes 3èmes : la manière dont l’auteur s’y prend pour nous permettre de voir « de l’intérieur » ce que ressent un condamné à mort – alors que, logiquement, tout notre être se rebelle à l’idée de nous identifier à lui – me paraît admirable, et d’une modernité éblouissante.
Qu’en reste-t-il dans cette « version » ?
Personnellement, je n’ai jamais voulu faire étudier à mes élèves des œuvres « condensées pour la jeunesse » : ils pouvaient les lire sans moi… et je ne suis pas persuadée de l’intérêt de ce genre de livres…
Mais là…
Tant pis : je suis un dinosaure !
Moi qui suis peut-être moins dinosaure que toi
je trouve qu’il y a de très bonnes oeuvres pour la jeunesse – je pense par exemple aux adaptations de Marie Cadot-Colin des récits médiévaux. On ne dénature pas le texte, on le met à la portée des jeunes lecteurs ce qui me semble très bien !
Ici, je ne vois rien de tel ! Le texte original devient le prétexte d’une oeuvre marketing qui, outre le fait de stigmatiser une population en la réduisant à quelques signes distinctifs, saccage littéralement notre belle langue.
Personne n’a jamais affirmé, je crois, qu’il était facile d’en acquérir la maîtrise. Mais au moins, au moins qu’on tente de la montrer telle qu’elle est, telle qu’elle peut devenir sous la plume d’un Hugo, par exemple. Ne serait-ce que pour éveiller, chez les plus jeunes, le goût du beau et, éventuellement, l’envie à leur tour, de donner du style et de la consistance à leurs idées, à leur sensibilité, à leur humanité.